17 octobre 2017

Bantutalk: L'appartenance ethnique au Congo Brazzaville, la longue route du tribalisme (Entre abus de puissance et marginalisation ethnique)

"Un enfant est un être douée d'une pureté absolue. Il ne connaît ni religion, ni racisme, ni tribalisme. C'est le milieu qui le transforme".
Idris Mahamat Kosso


                                
Mboté mes bénés!
J'espère que vous allez bien je vous retrouve aujourd'hui pour un bantutalk consacré à mon pays d'origine le Congo-Brazzaville.
J'avais déjà écris il y a quelques mois un article pour vous sensibiliser sur ce qu'il se passe actuellement en République du Congo, une crise, une guerre, un génocide camouflé qui chaque jour fait des victimes parmi lesquelles de nombreux enfants.
Et depuis cet article cela n'a pas changé, cela va même de mal en pis, les congolais de la diaspora sont les spectateurs désabusés de la longue chute vers les abysses de ce qui fut un état promis à un avenir glorieux.

Lorsque j'ai écris cet article je n'ai pas abordée certains sujets, volontairement car ma priorité était de vous sensibiliser sur le drame humanitaire qui se déroulait à Brazzaville, mais je me suis rendue compte que pour que toi cher lecteur tu puisse mieux appréhender ces événements il était utile aujourd'hui de faire un point sur les ethnies qui constituent ce pays qu'on appelle République du Congo.

Car au-delà du fait que la tragédie qui se déroule dans la région du Pool est bien évidemment humanitaire, il faut expliquer les causes et ces causes ne sont pas issus de catastrophes naturelles, biologiques. 
Les germes de ce drame sont fondamentalement politiques, fondamentalement ethniques, voilà pourquoi je n'ai pas peur d'user du mot génocide pour décrire cette situation.

Un génocide qu'est-ce que c'est, c'est tout simplement un crime qui consiste à l'élimination physique, intentionnelle, totale ou partielle d'un groupe national ethnique ou religieux.
C'est ce qui se passe actuellement dans la région du Pool au Congo-Brazzaville.

Dans un génocide, la neutralité n'existe pas il y a l'assassin et il y a la victime, retranchés derrière ces deux camps, des hommes, des femmes, des enfants, des gens responsables, des innocents, animées par deux idéologies, animées par deux forces antagonistes l'envie de détruire, l'envie de survivre.
Quel ethnie est victime?
Quelle ethnie est coupable?
C'est la question que l'on peut se poser lorsque l'on apprend qu'une telle tragédie se déroule à ciel ouvert et anéantie silencieusement des tas de vies humaines comme si celle-ci ne valaient absolument rien.

Je ne suis pas la pour pointer du doigt quoique j'ai une opinion très tranchée que j'exprimerait un peu plus tard dans cet article car avant cela j'aimerais vous présenter objectivement le panel ethnique qui cohabite pacifiquement au Congo-Brazzaville.



Le Congo Brazzaville abrite aujourd'hui près de 5 millions d'habitants concentré essentiellement dans les deux grandes villes du pays la capitale politique Brazzaville et la capitale économique Pointe-Noire.
Ces 5 millions d'habitants se répartissent entre trois grandes ethnies majoritaires les Kongo (Bakongos) qui représentent plus de 50% de la population congolaise et en fait donc l'ethnie majoritaire en nombre, le deuxième groupe est le groupe Téké (Batékés) environ 20% de la population 1/5 donc, et enfin le groupe Mbochi (Bambochis) qui représente environ 15% de la population du pays.

Comme beaucoup de pays africains le Congo à souffert du partage gourmand de l'Afrique opéré par les puissances européennes lors de la très célèbre pour de mauvaises raisons Conférence de Berlin de 1884.




Le continent africain a été partagé comme un gâteau au chocolat, chaque puissance conviée au festin de roi héritant d'une part de ce délicieux gâteau pétrit de bonnes choses.
(Mes bébés je n'exagère pas c'est bien comme cela que ça c'est passé, ils se sont installés sur une grande table ont étendue une grande carte et ils ont fait le partage comme ça à l'aisement)
Sans se soucier le moins du monde des réalités spatiales, culturelles, démographiques, sans se soucier le moins du monde des peuples sur lesquels ils allaient exercer leur pression, leur influence et dans ce partage les peuples africains grands perdants se sont vu regroupés, accouplés dans une fatale communauté de destin et contraint à former des états et plus tard des nations avec des peuples totalement différents vis-à-vis des autres dans leur coutume, dans leur linguistique dans leur mode de vie,une mosaïque assassine.
Et voilà comment au Congo-Brazzaville, Bakongos, Batékés, Bambochis se sont retrouvés associés dans un mariage forcé, mariage amer  où le divorce aujourd'hui semble être la meilleure solution. 
C'est la France grand vainqueur de la conférence qui en plus d'une grande partie de l'Afrique de l'ouest héritera du Congo-Brazzaville, d'où le surnom Congo français et Congo belge pour différencier Brazzaville et Kinshasa, (Kinshasa qui deviendra le jardin d'été de Léopold II de Belgique).
Dire que jusqu'à 1881 la France n'en avais rien à foutre de Brazzaville il a fallut qu'un explorateur répondant au doux nom de Pierre Savorgnan de Brazza de malheur vienne poser ses pieds chez nous et hop tout l'hexagone pose ses yeux sur le Congo ils nous voulaient.....et bien ils nous ont eu! 
Et vous comprenez pourquoi Brazzaville a été baptisé ainsi...spéciale dédicace à cet étranger qui scella notre destin et nous plongeas dans la m***e. 
Amen.

La mosaïque : 

L'ethnie Kongo (Bakongos) issue de l'empire Kongo, (Kongo dia ntotila) est présente massivement au sud du pays dans les régions du Pool, de la Bouenza, du Niari et du Kouilou, vestiges démographiques de la dislocation de l'Empire Kongo.
Les Kongos, peuple majoritaire sont composés des laris, des bembes, des vilis, des ndondos, des nsundi, des kongo-boko, des manyanga, des kengé, des kambas, des yombe.
Locuteurs des multiples variantes du kikongo, la société traditionnelle Kongo est matriarcale, la femme exerce un rôle clé dans la transmission du pouvoir et de l'hérédité.
Société marchande organisée et très influente de la région c'est à son apogée que les portugais abordent sur les rives du Royaume Kongo et avec eux emmènent plusieurs fléaux, le christianisme, l'esclavage causant le déclin de l'Empire, l'un des plus grands que l'Afrique n'ait jamais connue.
Mais l'histoire Kongo ne s'est pas éteinte, car cette ethnie reste profondément attachée aux valeurs ancestrales, "kimuntu" (respect et moralité) , la sagesse kongo, le respect des ancêtres.
Sous le joug colonial français c'est l'ethnie Kongo qui se lance en première garde dans la lutte vers la décolonisation française et qui amène le Congo à la proclamation de l'indépendance et la fin de la "sujétion" avec la France (symboliquement seulement) avec des figures emblématiques telles que André Grenard Matsoua qui fonda l'Amicale des originaires de l'Afrique équatoriale française  "Mikalé" le matsouanisme sera sa postérité.
L'abbé Fulbert Youlou issu également de l'ethnie Kongo fut le premier président de la République du Congo suivit de Alphonse Massamba-débat, issu du groupe Kongo également.
Comme on peut le voir l'ethnie Kongo à toujours été très impliquée dans le cours de l'histoire de la République du Congo.
Cependant aujourd'hui cette ethnie majoritaire en nombre qui a écrit les grandes pages de l'histoire du Congo-Brazzaville est délibérément marginalisée, exclue ostensiblement des cercles du pouvoir, des cercles intellectuels, des cercles militaires, des cercles économiques, le mukongo est marginalisé au sein de son propre pays terre de ses ancêtres.
Pire encore le mukongo est violé, tué, assassiné en masse, victime impuissante de la guerre de 1998 et de nouveau victime depuis 2016 d'une crise qui camoufle une volonté réelle d'épuration ethnique.



Makoko, roi des Batékés
L'ethnie Téké (Batéké), deuxième ethnie en nombre de la République du Congo présente au centre du pays notamment dans les régions du Plateau et du Niari, peuple de commerçant s'étant mêlés avec les pygmées s'étant ensuite regroupés en un royaume, le Royaume téké ayant pour capitale Djambala et ayant pour roi le Makoko, les tékés locuteurs de la langue téké ont abondamment participés au commerce triangulaire 
Aujourd'hui les tekes, réputés pour leur diplomatie savent se tenir près du pouvoir sans même avoir l'air d'y toucher, ultime tampon entre les antagonismes et rivalités tribales animant le nord et le sud du pays les tensions entre Bakongos et bambochis.
Les tékés étant également présent au Gabon où ils exercent une influence considérable étant donné que la famille Bongo, famille au pouvoir appartient à l'ethnie téké.




L'ethnie Mbochi (Bambochis), troisième ethnie en nombre de la République du Congo qui représente 15% de la population.
Jacques Opangault
Occupant le nord du pays dans les régions de la Cuvette et la Likouala, les Mbochis sont originellement un peuple de pêcheurs nomades s'étant installés au nord du pays, des migrants en  provenance de l'Oubangui Chari (actuelle Centrafrique).
Locuteurs des langues kimbochi et lingala.
Civilisation dont on a du mal à reconstituer l'itinéraire et le mode de vie ayant laissée peu de traces dans l'histoire de la République du Congo durant les années de colonisations et méconnues par les sociétés kongos et tékés, c'est à la fin des années 1950 que l'ethnie Mbochi se met à produire des leaders politique et part à la conquête du pouvoir tels que Jacques Opangault qui il faut le reconnaître fut un défenseur de l'unité nationale de la République du Congo.
Cependant ce rêve d'unité d'un de ses leader, à partir de 1968 l'ethnie Mbochi s'est attelée à sa destruction en exerçant une pression tribale sur le pouvoir politique et les institutions de la nation, marginalisant les deux autres ethnies au fur et à mesure de l'accroissement d'un pouvoir qui de national est devenu tribal.
La personnalité politique la plus influente de l'ethnie mbochi et par ricochet de l'état congolais est l'actuel président de la République Denis Sassou Nguesso qui totalise aujourd'hui 33 ans en tant que président à la tête du Congo-Brazzaville.


Voilà les trois grandes ethnies qui aujourd'hui vivotent dans ce petit pays d'Afrique centrale qu'est le Congo-Brazzaville.

En ce qui me concerne (si tu ne l'a pas remarqué cher lecteur c'est que j'ai été assez neutre) en tant que Lari j'appartiens à l'ethnie Kongo.
En créant ce blog j'ai voulue faire partager ce qui me faisait vibrer, la mode, la beauté, l'Afrique et ce qui me fait aujourd'hui vibrer bien plus que le reste encore, qui fait battre mon cœur à la chamade c'est la situation dans mon pays d'origine.
Etant née à Brazzaville en 1996, au milieu de la guerre civile qui dura près de  7 ans avec un point culminant entre 1997 et 1999.
Cet évènement qui a beaucoup marqué mon enfance, m'a profondément traumatisée lors de mon arrivée en France en 2002, la guerre civile pour un enfant est une guerre sans cause, une guerre tout simplement.

Plus tard j'ai compris les raisons de cette guerre, monstrueuse comme toutes les guerres.
Des raisons qui étaient fondamentalement politiques et au Congo-Brazzaville ce qui est politique est toujours ethnique en effet comme cet article le résume  "la guerre civile de 1993 à 2002 opposait autant des personnalités et des clans que des ethnies du Nord et du Sud. La monopolisation du pouvoir par les mbochis, ethnie pourtant minoritaire, se ressent clairement dans l’organisation et le développement du pays. Les élites nommées par le pouvoir sont la plupart mbochis et choisis selon des critères ethniques. Les laris, à l'exception de quelques fidèles des différents présidents sont eux largement écartés des postes influents. Même chose pour le développement du Congo centré principalement sur le Nord du pays dont sont issus les mbochis. L’exemple le plus frappant est la ville présidentielle d’Oyo. Petit village rural à l'origine, Oyo se transforme en ville moderne, se dote d'hôtels, d'infrastructures démesurées par rapport au nombre d'habitants de la ville, et devient la véritable vitrine du pouvoir. Le Pool , pourtant la région la plus touchée par la guerre, reste quant à lui, livré à lui-même."

Et aujourd'hui près de 20 ans après ce drame qu'a été la guerre civile, ultime conquête politique du pouvoir par l'ethnie Mbochi un autre drame purement ethnique se passe au Congo-Brazzaville dans les campagnes de la région du Pool où les Kongos sont massacrés, ultime subterfuge du pouvoir en place faire croire à la recherche d'un supposé terroriste, pourtant ceux qui terrorisent la population aujourd'hui sont ceux qui sont censés la protéger c'est à dire la police d'état qui commet des exactions sans nom, non pas pour la sauvegarde de l'intérêt général mais pour la sauvegarde des intérêt d'un petit nombre, des intérêts politiques, militaires, économiques d'ne ethnie qui n'ayant jamais rien apportée au Congo-Brazzaville se contente de se servir et resservir allègrement pour mieux épuiser les ressources pétrolières, minières, hydrauliques comme pour ne rien laisser à notre progéniture, à notre futur de l'égoïsme à l'état brut. Une ethnie qui se contente de presser jusqu'à la lie une population qui ayant trop souffert est paralysée par un traumatisme, la guerre.
Une ethnie surgie du néant, d'une civilisation obscure dont on ne sait rien qui s'accapare un territoire qui n'est pas le sien.
Voilà ce que représente l'ethnie mbochi en 2017 au Congo-Brazzaville.
Tout et rien.

Aujourd'hui au Congo-Brazzaville, le tribalisme, religion d'état à atteint un stade de non-retour la couleur ethnique est devenue la marque de la réussite ou de l'échec social, et dans le Pool, la couleur ethnique est devenue la marque de la vie ou de la mort.

Hier je me définissait comme étant, congolaise aujourd'hui je me définie avant tout comme étant mukongo, lari de mon état, appartenant de facto  à l'ethnie Kongo.
Le clivage d'abord politique entre le nord et le sud c'est transformée en une haine innommable entre les deux camps.
En ce qui me concerne lorsque je sais que ma vie à faillit prendre fin alors qu'elle venait même de commencer à cause des cobras de Nguesso prêt à tuer n'importe quel Kongo sur leur chemin lors de la guerre civile, (les civils Kongo s'étaient même mis à parler lingala afin d'écarter les soupçons sur leur ascendance Kongo en présence des cobras)  lorsque je sais qu'aujourd'hui les membres de ma famille meurt comme des mouches sur la terre de mes ancêtres à cause du tribalisme du sommet de l'état il m'est difficile d'avoir de la sympathie pour les membres de cette ethnie.
Cependant peut-on mettre tous les membres d'une ethnie dans le même panier....?
Car il y a des femmes, des enfants des innocents qui n'ont rien demandés on ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas son ethnie mais on est responsable, on fait des choix, on hausse la voix, on exclue parfois, mais ceux là ne disent rien, ne font rien et nous contemplent mourir, alors que beaucoup de ces gens sont également dans le dénuement comme 90% des congolais mais l'instinct tribal est plus fort que leur conscience et bien que n'appartenant pas à la clique dorée ils la soutiennent envers et contre tout.
 Je voulait être neutre le plus possible, mais le ressentiment est vivace, il est poignant.

Ce que je ressent aujourd'hui devant ces protagonistes de l'ombre peut être décrit par ce proverbe "lorsqu'une mangue est pourrie et qu'on la laisse dans le panier avec les autres celles-ci finissent par pourrir également".

C'est ce qui arrive, ces personnes minoritaires n'ayant jamais voulu l'unité dans un pays pourtant pluriethnique, aujourd'hui s'accaparent tout et sont prêt à défendre l'indéfendable car ce qu'ils craignent c'est la vengeance des opprimés.
La peur fait taire même les bons et la barbarie des hommes n'a plus de frein.
Lorsque l'on fait les choses de manière digne et honnête qu'il y a t-il a craindre si ce n'est attendre de récolter les fruits de notre humble travail.
Lorsque quelqu'un craint la vengeance c'est qu'il sait que ce qu'il a fait n'est pas digne, n'est pas bon.

Aujourd'hui tout les membres appartenant à l'ethnie au pouvoir ne sont pas coupables, ne sont pas des assassins, mais dans leur silence acquiescent tacitement et deviennent donc des complices par omission, alors ils sont tous coupables. 

La situation au Congo-Brazzaville est très complexe aujourd'hui, la politique ne s'étant jamais affranchie des rancœurs ethniques, une situation d'autant plus insoutenable car très peu couverte par les médias si ce n'est pour les déboires économiques du pays, car l'état est en faillite, mais la situation sociale très peu médiatisée, lorsqu'on y prête attention nous fait lever le voile sur des vies gâchées dans le silence des forêts denses du Pool.

Voilà pourquoi je tiens tant à écrire ce type d'article pour que infime soit le nombre de lecteurs cela puisse trouver un écho et que toi qui lit cet article saches que comme dans pleins d'autre pays du monde il se passe un drame au Congo, ne te méprends pas avec les milles et une couleurs de la Sape et la magie du Ndombolo, entre les tissus bariolés et les notes de musiques chaloupées ce sont des cris de souffrances qui battent la cadence.

Je vous embrasse et comme d'habitude on se séparent en musique avec Pont sur le Congo de Franklin Boukaka.











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